Créer un santon et son moule

La création d'un santon de Provence demande du temps, de la créativité, mais aussi et surtout, de la patience.  Beaucoup de personnes pensent, à tort, que le santon n'est jamais "qu'une création sortie d'un moule". Erreur! 

Il y a de nombreuses étapes avant qu'un santon ne sorte du moule... Tout déjà, il faut le créer, puis fabriquer le moule qui servira à dupliquer la création... et c'est tout un travail.

Petites précisions essentielles sur la création d'un santon et de son moule, de A à Z, étape par étape.

 

1: Sculpter le santon original:  

Tout déjà, il faut modeler, sculpter, le santon original avant d'envisager de faire un moule pour le dupliquer. 

Dans mon atelier, toutes les sculptures originales que je fais sont en argile. J'aime cette matière pour affiner les détails, qui permet d'être travaillée chaque jour si on ne la laisse pas sécher trop vite. Il existe plusieurs argiles, plus ou moins fines, qui permettent de sculpter. Personnellement, je sculpte avec de l'argile très fine qui provient de Normandie, dernier endroit en France ou on exploite encore l'argile.

Certains santonniers fabriquent parfois leur première création en bois, d'autres dans des matières plus modernes, comme de la Plastiline. Peu importe la matière première utilisée afin de créer la sculpture, l'essentiel est d'avoir une sculpture à mouler pour passer à la seconde étape, celle de la création d'un moule en plâtre. 

 

2: Créer un moule en plâtre:

Une fois le modèle original crée, soit en argile, soit en bois ou en plastiline, il convient de créer un moule en plâtre pour dupliquer le santon.  

Cette étape essentielle peut s'avérer très délicate. Si le moule est mal fait, et qu'il ne s'ouvre pas, la création originale est perdue car elle restera coincée dans le moule, et il conviendra de recommencer à zéro la sculpture originale... c'est pour cette raison que j'aime prendre mon temps pour faire un moule, j’éteins mon téléphone et je m'assure de ne pas être dérangée le jour ou je fabrique un moule. La concentration est de mise.

La création d'un moule pour santon prend en général quelques heures à une demi journée, en fonction de la technicité du santon qu'on souhaite mouler, et du nombre de détails qu'il comporte.  

Le moule en plâtre est crée en deux parties  : la première qui recouvre la moitié du santon, puis, une fois crée, la seconde qui recouvrira l'autre coté. 

Mais avant tout coulage du plâtre, il convient de faire un coffrage, c'est à dire de prévoir le contenant dans lequel on coulera le plâtre autour du santon. Pour se faire, il convient d'utiliser 4 planchettes maintenues de manière à être bien étanches (et renforcées par des colombins d'argile sur les cotés) pour que le plâtre ne se glisse dans aucune fente et reste dans le contenant désiré. 

Ensuite, il faut prévoir une (voire deux) gouttière(s), autour du santon que l'on moule. La gouttière permet au surplus d'argile de s'évacuer facilement lorsqu'on presse l'argile appliquée dans le moule pour lui donner la forme du santon. 

Une fois le coffrage et les gouttières effectués, il faut créer au moins deux clefs (aussi dites tenons) sur les cotés du moule, c'est à dire des encoches, qui permettront aux deux parties du moule de bien s'imbriquer l'une dans l'autre. 

Une fois tous ces éléments créés, le coulage du plâtre sur la première partie du santon est possible.

Il faut ensuite laisser sécher le plâtre coulé sur le santon, dans le coffrage, qui va chauffer et se figer, puis envisager les mêmes opérations pour créer la seconde partie du moule, de manière identique, après avoir huilé généreusement la première partie du moule en plâtre sur laquelle on va couler le reste du plâtre, afin que le moule puisse s'ouvrir à la fin de sa création. 

Si une erreur survient pendant ce processus, et que les deux parties du moule se collent l'une à l'autre, le santon original sera perdu, car coincé dans le plâtre, et il faudra tout recommencer à zéro. C'est malheureusement une chose qui arrive parfois, et je pense que presque tous les santonniers se sont retrouvés au moins une fois confrontés à ce problème... c'est le métier qui rentre  ! 

Une fois le moule conçu, il conviendra de passer à la phase n°3, c'est à dire, au moulage des santons.

 

3: Mouler un santon de Provence:

Mouler un santon de Provence n'est pas aussi simple que cela puisse paraître. Il faut appliquer la bonne quantité d'argile dans le moule en plâtre crée à cet effet, et presser... L'argile ne doit pas être trop dure, ni trop molle... juste souple, un peu comme de la pâte à modeler.

La pression doit être assez forte, mais pas trop pour ne pas casser le moule. Personnellement, je presse manuellement mes moules, mais il est aussi possible d'utiliser une presse.

Il est souvent nécessaire de procéder à plusieurs pressions, afin que tout le surplus d'argile s'évacue. Entre chaque pression, il faut retirer ce surplus qui s'est évacué dans les gouttières prévues à cet effet. Par ailleurs, il ne faut pas négliger un détail important sur la question des moules  : ils s'usent... assez vite.

En effet, contrairement à ce que l'on pourrait croire, les moules en plâtre qu'utilisent les santonniers ne sont pas très résistants. Ils s'usent assez rapidement... Il est donc nécessaire de refabriquer assez régulièrement ses moules, car après une cinquantaine, (voire une centaine pour les plus petits modèles) de pressions, le moule s'use et les détails du santon disparaissent peu à peu. 

Bon nombre de santonniers, moi y compris, créent donc ce qu'on appelle «  un moule mère  », qui est un moule qu'on n'utilise pas, mais qu'on garde pour préserver la sculpture originale dans tous ses détails au cas ou les autres moules d'une sculpture venaient à être cassés ou à trop s'user. 

Ce n'est qu'au bout de plusieurs pressions (dans un moule pas trop usé) que le santon prendra sa forme définitive. Alors, on pourra le démouler en utilisant une pique rigide en fer.

A ce stade, le santon est loin d'être parfait. Il comporte encore les marques du moules sur ses arêtes, et il faudra donc l'ébarber pour le parfaire. 

 

4: Ebarber et lisser le santon: 

A l'issue du moulage, on attend quelques heures à quelques jours que l'argile durcisse légèrement (mais pas trop non plus), afin de retirer toutes les marques du moule présentes sur le santon. C'est ce qu'on appelle l'ébarbage.  

Une fois cette tache réalisée, on laisse le santon sécher, et on viendra par la suite le lisser au pinceau et à l'eau, afin de lui enlever toute irrégularité qui ne serait pas esthétique pour la phase de peinture. 

 

5: Cuire le santon :

Quand le santon est terminé, et sec, il convient de passer à la phase de cuisson. Ce n'est pas un four traditionnel qu'on utilise, mais bien un four spécial qui monte aux environs de 1000 degrés. Le santon y restera une douzaine d'heures afin d'être cuit. 

A la sortie du four, l'argile cuite à une sonorité différente de l'argile sèche  : elle tinte comme du verre. 

 

6: Peindre le santon:

La peinture est une étape essentielle dans la création du santon de Provence. Elle peut prendre plus ou moins de temps en fonction de la technicité du santon et des couleurs à apporter.

Dans mon atelier, j'utilise uniquement de l'acrylique matte afin de peindre mes santons (car un santon peint avec une peinture satinée, légèrement brillante, n'est pas joli, on dirait du plastique). 

 

 

Et voilà, vous savez tout sur mes techniques de création... à ce stade, votre santon de Provence est prêt à vous être vendu pour passer un très joyeux Noël à vos cotés ! 

A vous de faire le reste  : créer une jolie crèche pour l’accueillir.